COMMISSION D'ENQUETE
SUR L'ACCIDENT SURVENU LE 30 JUIN 1994
A TOULOUSE-BLAGNAC (31)
A L'AIRBUS A330 Nº42 D'AIRBUS INDUSTRIE
IMMATRICULE FWWKH
RAPPORT PRELIMINAIRE
28 JUILLET 1994
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AVERTISSEMENT
Le présent document a été établi par la commission d'enquête sur la base des renseignements disponibles.
Il présente des éléments factuels recueillis sur les circonstances de l'accident, une première analyse provisoire de cet accident et les premières recommandations que la commission estime devoir formuler avec pour objectif fondamental la prévention de futurs accidents.
Il est rappelé que cette enquête ne vise nullement à la détermination de fautes ou de responsabilités.
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SOMMAIRE
Synopsis
Composition de la commission d'enquête et résumé des travaux
I - Renseignements de base:
II - Analyse préliminaire:
III - Conclusions provisoires:
IV - Premières recommandations
Annexes.
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SYNOPSIS
Date de l'accident: jeudi 30juin 1994 à 17h41 locales (15h41 TU.) | Aéronef: AIRBUS A330-322 numéro de série : 42 Immatriculation : FWWKH |
Lieu de l'accident: En bordure ouest de l'aérodrome de Toulouse-Blagnac (Hte Garonne) | Propriétaire: GIE Airbus Industrie |
Nature du vol: vol d'essais | Occupants: - Equipage (3): Commandant de bord : Nicholas WARNER Pilote : Michel CAlS Ingénieur navigant d'essais : Jean Pierre PETIT - Observateurs : 4 |
RESUME DE L'ACCIDENT:
Dans le cadre d'un vol d'essai, après un décollage à un centrage très arrière, en vol de montée à forte assiette, l'équipage effectue une simulation de panne du moteur gauche après avoir engagé le pilote automatique. La vitesse diminue rapidement et malgré la reprise en mains par le commandant de bord, l'avion embarque vers la gauche. La reprise du contrôle du vol intervient trop tard pour éviter l'impact avec le sol.
Conséquences:
| PERSONNES | APPAREIL | DEGATS AUX TIERS |
| Tués | Blessés | Indemnes |
Equipage Observateurs | 3 4 | - - | - - | Détruit | Sans objet |
COMPOSITION DE LA COMMISSION D'ENQUETE ET RESUME DES TRAVAUX:
Composition de la commission:
La commission d'enquête instituée par message nº8522 DEF/DGA/DCAé du 1er juillet 1994 est composée de:
- M. François Gonin, ingénieur général de l'armement, président,
- M. Jacques Rosay, pilote d'essais du Centre d'essais en vol,
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- M. Dominique Deschamps, ingénieur en chef de l'armement du Centre d'essais en vol,
- M. Henri Marotte, médecin-chef du Centre d'essais en vol,
- M. Yves Lemercier, ingénieur au bureau Enquêtes-accidents de l'Inspection Générale de l'Aviation Civile et de la Météorologie (IGACEM),
- M. Bernard Marcou, ingénieur au Service de la formation aéronautique et du contrôle technique de la Direction Générale de l'Aviation civile,
- M. Paul Arslanian, chef du bureau Enquêtes-accients, observateur (IGACEM).
Conformément aux principes de l'annexe 13 et dans le cadre des accords généraux entre le Bureau Enquêtes-accidents et le National Transportation Safety Board (NTSB - USA), un représentant du NTSB, assisté d'un représentant de la FAA et de conseillers de Pratt et Whitney, a eu accès aux résultats d'exploitation des enregistreurs de bord.
Résumé des travaux:
Le président de la commission d'enquête instituée le 1er juillet, accompagné de plusieurs membres de la commission, s'est rendu sur les lieux le même jour en fin de matinée. A cette occasion, il a pris contact avec les autorités judiciaires concernées qui ont défini les modalités de transfert et d'exploitation des enregistreurs de vol qui avaient pu être récupérés sur l'épave de l'avion.
Il a également visité l'épave et donné son accord pour transférer ses éléments dans un hangar après avoir défini des précautions particulières à prendre concernant les moteurs et certains éléments.
La première réunion plénière de la commission d'enquête a eu lieu le 5 juillet à Toulouse. Elle a permis de recenser les données disponibles relatives à l'accident et de définir un programme de travail pour les jours suivants.
La deuxième réunion plénière a eu lieu le 8 juillet à Toulouse. Au cours de cette journée, la commission a procédé à l'écoute de la bande de télémesure enregistrée pendant le vol de l'accident* ainsi qu'à des essais au simulateur de développement de l'Airbus A330 en conditions d'utilisation normales et en conditions similaires à celles du vol du 30 juin. A cette occasion, elle a élaboré les premières recommandations qu'elle estimait devoir formuler concernant le mode d'acquisition d'altitude du pilote automatique.
Les travaux de la commission ont été poursuivis par chacun de ses membres, conformément au programme de travail défini le 5 juillet.
La troisième réunion plénière de la commission a eu lieu les 26 et 27 juillet à Paris. Elle a été consacrée à la mise au point du présent rapport préliminaire.
* s'agissant d'un avion en essais. l'Airbus A330 n°42 était équipé d'une installation d'essais spécifiques en sus des enregistreurs de vol.
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I - RENSEIGNEMENTS DE BASE:
1.1 - Déroulement du vol:
Ce vol d'essais entrait dans le cadre de la préparation de la certification du pilote automatique aux standards de catégorie III (approche et remise de gaz par très mauvaises conditions de visibilité), pour cette version de l'Airbus A330 équipée de moteurs Pratt et Whitney.
Le programme général des vols correspondants était fixé par le document Airbus Industrie nº460/94 issue n°1 du 27 juin 1994.
L'ordre d'essais du vol n°129 fait l'objet d'un document daté du 30 juin 1994.
Tout le vol jusqu'à l'instant précédant l'accident s'est déroulé conformément à l'ordre d'essai, hormis la puissance affichée au premier décollage : TOGA (Take Off Go Around : puissance maximale) au lieu de Flex 49 (puissance inférieure à la puissance maximale égale à celle qui serait disponible avec une température extérieure de 49º c):
- décollage en configuration 2 de becs et volets, engagement du pilote automatique (en version de base) à 157 Kt en mode de tenue de vitesse (SRS : Speed Reference System) 6,5 secondes après le décollage puis réduction d'un moteur et coupure du circuit hydraulique correspondant.
- montée au niveau 100, moteurs en fonctionnement normal. Réalisation de virages au pilote automatique en mode de tenue d'altitude, en configuration pleins becs et volets à Vmin + 5 et à Vmax - 10Kt pour étudier les problèmes de coordination des commandes en virage.
- approche automatique suivie d'une remise de gaz avec panne simulée d'un moteur (pilote automatique en version basique).
- manoeuvre identique à la précédente après introduction d'une modification du pilote automatique (Spatiaal avec Bulle état 3972, cf paragraphe 1.6).
- approche automatique en monomoteur simulé, atterrissage automatique et utilisation d'une seule reverse.
Durant toute cette partie du vol le travail en équipage était le suivant:
- le premier décollage a été effectué par le commandant de bord en place gauche,
- la suite du vol a été effectuée en pilotage automatique. Les actions ont été réalisées et commentées par le commandant de bord. Le copilote vérifiait les actions du commandant de bord et observait le fonctionnement de l'avion sans intervenir sur les essais,
- le copilote a réalisé tous les échanges radio avec le contrôle aérien.
A l'issue de cette partie du vol, et toujours conformément à l'ordre d'essai, un décollage devait être réalisé dans des conditions semblables au premier, hormis l'état du pilote automatique qui comportait la modification étudiée (Spatiaal avec bulle état 3972). L'avion qui s'était posé en piste 15G a effectué sur la piste un demi tour avec l'accord du contrôle d'aérodrome pour s aligner en piste 33D. Durant cette phase, l'avion a été préparé pour le décollage et le trim a été positionné de 4º à cabrer à 2,2º à cabrer sans dialogue équipage. La masse et le centrage étaient alors respectivement 147 700 Kg et 42%. L'ingénieur d'essais a ensuite expliqué la nature de l'essai à réaliser et sa chronologie. Une fois aligné sur la piste 33D, avion prêt au décollage, le commandant de bord a proposé au copilote de réaliser ce décollage puis a explicité la répartition des tâches (le
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copilote effectue la rotation puis le commandant de bord enclenche le pilote automatique, réduit un moteur et coupe le circuit hydraulique correspondant). La chronologie des événements a ensuite été la suivante:
- le copilote a demandé confirmation de la puissance à afficher au décollage (TOGA ou Flex49),
- le copilote a affiché la puissance maximale (TOGA) sur les deux moteurs conformément à la procédure indiquée par le commandant de bord, alors que, comme pour le premier décollage, l'ordre d'essais prévoyait une puissance Flex 49,
- le copilote a conservé une action à pousser sur le manche jusqu'à la rotation,
- la rotation a été réalisée franchement et l'action à la profondeur a été arrêtée, l'assiette évoluant de 12 à 18°,
- plusieurs tentatives d'engagement du pilote automatique avant les 5 secondes succédant au décollage ont été infructueuses. Le pilote automatique n'a été actif que deux secondes après l'engagement car le copilote exerçait un léger ordre à piquer sur le manche à ce moment (déplacement supérieur à 0,5º). Pendant cette période, l'avion, toujours trimé à 2,2º, s'est cabré jusqu'à atteindre une assiette de 29º. La vitesse de l'avion, après avoir atteint 155 Kt, n'était que de 145 Kt au moment ou le pilote automatique a été connecté (Vobjectif > 150K),
- l'assiette longitudinale de l'avion a diminué ensuite légèrement vers 25º,
- le commandant de bord a réduit le moteur gauche dès l'engagement du pilote automatique puis a coupé le circuit hydraulique bleu. Immédiatement après être passé actif, le pilote automatique est passé en mode Acquisition d'altitude ou ALT* compte tenu du fort taux de monntée de l'avion (une altitude sélectée de 2000 ft avait été affichée au cours de la première phase de vol, lors de la descente à partir du niveau 100 pour la première approche),
- dès lors, la loi de pilotage du mode ALT* a fait cabrer l'avion pour rejoindre l'altitude sélectée. L'assiette est montée vers 32º et la vitesse de l'avion a chuté rapidement,
- lorsque le commandant de bord a repris l'avion en mains, la vitesse avion n'était que de l00Kt en forte diminution (vitesse minimale de contrôle air: 118Kt),
- la fonction Alpha prot des commandes de vol qui restitue une stabilité longitudinale statique positive s'est activée normalement, juste après la reprise en mains de l'avion par le pilote, qui n'a pas pu éviter une perte de contrôle en roulis,
- une remise des gaz automatique (protection alpha floor) s'est ensuite activée, elle a été immédiatement stoppée par le commandant de bord qui a réduit le moteur droit au ralenti dès la perte de contrôle en roulis pour resymétriser rapidement l'avion,
- les assiettes latérale et longitudinale ont atteint respectivement 112º gauche et - 43º. Dans ces conditions des informations invalides ont alors été envoyées aux calculateurs de commandes de vol par les centrales à inertie entraînant un passage des commandes de vol en loi directe,
- le pilote est parvenu à reprendre le contrôle de son appareil mais trop tardivement pour éviter l'impact avec le sol. L'avion s'est écrasé avec une assiette longitudinale d'environ - 15º.
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1.2 - Conséquences sur les personnes:
| Equipage | observateurs | Tieres |
Tués Blessés Indemnes | 3 - - | 4 - - | 0 - - |
1.3 - Dommages à l'aéronef:
L'avion a été totalement détruit par les impacts successifs et l'incendie très violent qui a suivi.
1.4 - Autres dommages:
Sans objet.
1.5 - Renseignements sur le personnel:
L'équipage technique comprenait trois personnes : un commandant de bord, un copilote, un ingénieur navigant d'essais.
Quatre autres observateurs étaient à bord : deux pilotes de ligne italiens, deux cadres technicocommerciaux d'Airbus Industrie.
1.5.1 - Commandant de bord:
WARNER Nicholas, né le 7 janvier 1943 à Colchester (Royaume-Uni), chef pilote d'essais à Airbus Industrie.
Brevet de pilote d'essais obtenu en 1971, délivré par l'ETPS (école de formation des équipages d'essais britannique).
Licence de pilote d'essais n°119965 délivrée le 10 novembre 1978 par la Civil Aviation Authority (Royaume-Uni).
Dernière visite médicale passée le 28 avril 1994, certificat d'aptitude délivré le 28 avril 1994 par la Civil Aviation Authority (Royaume-Uni).
Expérience:
Heures de vol totales : 7713, dont 345 sur A330
Heures de vol effectuées dans les 6 derniers mois : 258 dont 123h30 sur A330.
Heures de vol effectuées dans les 30 derniers jours: 34h25 dont 21h15 sur A330.
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1.5.2 - Copilote:
CAIS Michel, né le 4 novembre 1940 à Paris (18ème).
Licence de pilote de ligne délivrée le 20 octobre 1980 par la Direction générale de l'aviation civile.
Dernière visite médicale passée le 02 mai 1994 devant le Centre d'expertise médicale du personnel navigant (CEMPN) du Service de santé des armées de Toulon : apte.
Qualification instructeur pilote de ligne délivrée en mars 1989.
Qualification de type sur plusieurs types d'avions, dont celle pour l'Airbus A330 délivrée le 16 novembre 1993.
Expérience:
Heures de vol totales : 9558, sur A330 : 137.
Heures de vol effectuées dans les 6 derniers mois : 151, dont 130 sur A330.
1.5.3 - Ingénieur navigant d'essais:
PETIT, Jean-Pierre, né le 23 août 1943 à Boulogne sur Mer.
Licence d'ingénieur navigant d'essais délivrée le 29 juillet 1969 par le Centre d'essais en vol.
Licence de pilote de ligne délivrée le 5 septembre 1989 par la Direction générale de l'aviation civile.
Dernière visite médicale passée le 17 septembre 1993 devant le Centre principal d'expertise médicale du personnel navigant (CPEMPN) du Service de santé des armées à Paris apte.
Expérience:
Heures de vol totales dans la spécialité: 6255.
Heures de vol dans les 6 derniers mois dans la spécialité : 234 dont 103 heures sur A330.
1.5.4 - Observateurs:
NASSETTI, Alberto, pilote de ligne de la compagnie Alitalia.
RACCHETTI, Pier Paulo, pilote de ligne de la compagnie Alitalia.
TOURNOUX, Philippe, cadre Airbus Industrie.
HULSE, Keith, cadre Airbus Industrie.
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1.6. Renseignements sur l'aéronef:
Propriétaire et exploitant: Airbus Industrie.
Planeur: Constructeur: Airbus Industrie.
Type: A330-322
Numéro de série: 42
Premier vol effectué le 14 octobre 1993
Total d'heures de vol le 30 juin 1994: 360 heures 30
Laissez passer exceptionnel délivré le 29 mars 1994, par la Direction générale de l'aviation civile, valable du 1er avril au 1er octobre 1994.
Moteurs : Constructeur: Pratt et Whitney.
Type PW 4168
Heures de fonctionnement (et nombre de démarrages):
- moteur gauche: 366h42 (173)
- moteur droit : 363h17 (183).
Définition:
S'agissant d'un avion en essais chez son constructeur, l'Airbus A330 nº42 n'était pas en tous points conforme à la définition de série certifiée en cours de livraison aux utilisateurs. Les principales spécificités de définition qui méritent d'être relevées dans le cadre de l'enquête sont les suivantes:
- l'utilisation d'un système dénommé Spatiaal qui permet de contrôler l'état effectif de certains paramètres internes aux calculateurs de l'avion (en particulier ceux du pilote automatique et des commandes de vol) et de les modifier à la diligence de l'ingénieur navigant d'essais à partir de données inscrites dans une mémoire amovible (dénommée "Bulle") programmée avant le vol par le bureau d'études. L'un des objets du vol était de comparer le comportement du pilote automatique en fonction de deux états de la "bulle 203" : "OFF" (standard de base pour le pilote automatique) et "3972" (état dans lequel l'ordre en vitesse de tangage du pilote automatique est deux fois plus fort). Dans cette définition, les calculateurs de l'avion sont fonctionnellement conformes aux calculateurs des avions de série mais matériellement différents pour pouvoir accepter des ajustements internes par sélection de données préprogrammées dans ces calculateurs.
- l'installation en cabine passagers d'un pupitre à la disposition de l'ingénieur navigant d'essais qui lui permet d'une part de conduire l'essai (visualisations, télécommunications), d'autre part de mettre en oeuvre l'installation d'essais.
- enfin, l'avion était équipé d'une installation d'essais en vol enregistrant et transmettant au sol par télémesure à cadence élevée les paramètres et la phonie du téléphone de bord (voie G - cf paragraphe 1.11).
Mentions portées sur les comptes rendus mécaniques
Il n'a pas été relevé sur les observations formulées par les équipages lors des vols précédents de remarques ayant une relation possible avec l'accident.
Masses et centrages :
Au démarrage, l'avion avait une masse de 152 700 kg et un centrage de 40,2%.
Avant le dernier décollage, la masse de l'avion était de 147 700 kg et le centrage de 42%.
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1.7 - Conditions météorologiques:
La situation météorologique du jeudi 30 juin 1994 donnait un régime de beau temps ensoleillé sur Toulouse, associé à des vents faibles à basse altitude. Les observations effectuées sur le terrain à 17h30 locales (15h30 TU) montraient un vent de secteur nord-est d'environ 4Kt, conditions "CAVOK" (visibilité supérieure à 10 km, pas de nébulosité en dessous de 1500 m, pas de précipitation), température 34º, point de rosée 20°, pression au sol 997 hPa. D'autre part, les relevés météorologiques effectués entre 13h00 et 14h00 locales confirment que ces paramètres étaient stables.
A la mise en route, l'équipage a écouté l'ATIS de Toulouse. Le message était l'information enregistrée à 14h25 T.U: ILS 15G, niveau de transition 50, vent 170º/10 Kt, CAVOK, température 33º point de rosée 20º, QNH 1016, QFE 998 hPa.
Juste avant le dernier décollage (en piste 33D), la tour de contrôle a annoncé un vent du 040º pour une force de 3 à 8 Kt.
1.8 - Aides à la navigation, moyens de radio-navigation:
L'analyse des documents de suivi de l'avion ainsi que l'exploitation des différents paramètres et conversations enregistrés (par télémesure, sur les enregistreurs de vol ou par le contrôle aérien) montrent que les moyens de radio-navigation de l'avion étaient en parfait état de fonctionnement.
1.9 - Télécommunications:
Les transcriptions des radio-communications entre l'avion, la tour de contrôle et/ou l'approche de Toulouse-Blagnac ont été effectuées.
Pendant le vol, toutes les émissions de l'avion ont été effectuées par le copilote.
Les radio-communications avec l'organisme de contrôle de la circulation essais-réception ont également été transcrites. On note qu'avant le décollage, l'équipage signale une modification du profil de vol envisagé par l'ordre d'essais, prévoyant, après l'exécution de l'ensemble des manoeuvres consignées dans l'ordre d'essais, une phase complémentaire d'évolutions au niveau 100 à titre de démonstration au profit des pilotes italiens présents à bord.
1.10 - Renseignements sur l'aérodrome:
Les NOTAM en vigueur le jour de l'accident et la disponibilité réelle des moyens font apparaître une indisponibilité de l'ILS 15D ainsi que le remplacement du VOR. Ces données étaient connues de l'équipage. Les approches automatiques ont été réalisées en piste 15G à cause de l'indisponibilité du glide 15D. Les autres restrictions sur l'aérodrome ne concernaient que la circulation au sol et les postes de stationnement; elles n'avaient aucune influence sur le déroulement du vol.
1.11 - Enregistreurs de bord - télémesure:
Conformément à la réglementation en vigueur, l'A330 nº42 était équipé d'un enregistreur de conversations et d'alarmes sonores émises dans le poste de pilotage (CVR : Cockpit Voice Recorder) et d'un enregistreur de paramètres (SSFDR : Solid State Flight Data Recorder). Les deux enregistreurs ont été retrouvés sur l'épave de l'avion et transférés par l'officier de police judiciaire désigné, à Brétigny, le 1er juillet enfin d'après-midi.
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L'avion était également équipé d'une installation d'essais qui transmettait par télémesure au sol les paramètres de vol à une cadence beaucoup plus élevée que celle des paramètres enregistrés sur le SSFDR, ainsi que la phonie enregistrée sur le téléphone de bord ("voie G" de la télémesure). Les données transmises par télémesure ont été enregistrées au sol pendant le vol et étaient visualisées en salle d'écoute.
1.11.1 - Exploitation des enregistreurs:
SSFDR:
L'enregistreur de paramètres a été amené par l'officier de police judiciaire (OPJ) désigné au Centre d'essais en vol (CEV) sur la base de Brétigny le 1er juillet en fin d'après-midi. Les travaux d'ouverture de l'enregistreur ont commencé le même jour dans le laboratoire du CEV en présence de l'OPJ. L'ouverture de l'enregistreur et l'extraction du boitier mémoire ont été assurées sans difficulté particulière.
L'acquisition des 48 dernières minutes de vol a été effectuée sur la station Reseda du CEV permettant une visualisation ainsi qu'une première mise en grandeur physique des paramètres de vol en utilisant l'outillage et le logiciel de la société SFIM fabricant de l'enregistreur.
Des sauvegardes de travail ont été faites sur disquettes (copie totale de la mémoire de l'enregistreur). L'enregistreur et son boitier mémoire ont été remis à l'OPJ le soir même.
Les travaux ont ensuite porté sur la vérification des étalonnages, le tracé de courbes et la corrélation avec les autres informations disponibles et sont encore poursuivis en ce sens.
La lecture et la restitution des paramètres de vol enregistrés sont jugées satisfaisantes (aucune perte de synchronisation constatée) sauf pour les deux dernières secondes du vol.
CVR:
L'enregistreur CVR a été amené par l'OPJ à Paris dans les laboratoires du bureau Enquêtes-accidents le 2 juillet matin. Les travaux d'ouverture de l'enregistreur ont commencé immédiatement en présence de l'OPJ. L'ouverture de l'enregistreur et l'extraction de la bande magnétique ont été assurées sans difficulté particulière.
Quatre copies ont été réalisées. La lecture et l'écoute de l'enregistrement qui restitue les 30 dernières minutes de vol se sont effectuées dans de bonnes conditions. Une première transcription des cinq dernières minutes de vol a été effectuée le 2 juillet. L'enregistreur et la bande magnétique originale ont été remis à l'OPJ le même jour. Les travaux de transcription se sont ensuite poursuivis à partir du 4 juillet.
Télémesure:
Les données transmises par télémesure ont été exploitées pendant et après le vol du 30 juin.
Les premiers résultats de cette exploitation (tracés de courbes, visualisation et écoute des données transmises, première transcription de la phonie voie G de la fin du vol) ont été fournis à la commission d'enquête le 4 juillet. Des résultats complémentaires, ainsi qu'une copie de la phonie voie G concernant la totalité du vol ont été fournis par la suite à la commission.
Les données transmises par télémesure sont exploitables pendant la quasi totalité du vol, sauf pendant les toutes dernières secondes (2 à 3 secondes).
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1.11.2 - Fonctionnement des enregistreurs (SSFDR, CVR télémesures):
Le fonctionnement des enregistreurs est en première analyse parfaitement correct pendant tout le vol, sauf pour les 2 à 3 dernières secondes (SSFDR et télémesures).
En première analyse également la corrélation entre les paramètres enregistrés par le SSDFR et par télémesures est très bonne. Il faut noter par ailleurs que la télémesure fournit des données complémentaires utiles à celles restituées à partir du SSDFR et du CVR, en particulier:
- la restitution complète des conversations de l'équipage pendant tout le vol (alors que le CVR ne restitue que les 30 dernières minutes du vol),
- la restitution des modes d'activation du pilote automatique et/ou des commandes de vol : alors que le SSFDR enregistre ce qui est présenté au pilote pour ce qui concerne les modes d'activation du pilote automatique, les données télémesurées concernent l'état réel de ces modes.
1.11.3 - Restitution des conversations et des alarmes sonores (CVR et voie G de la télémesure):
Le CVR (type Loral Fairchild A 100 A - SN 57719)
Les conversations ont été entièrement restituées. La signification ne présente aucune ambiguité malgré le jargon spécifique aux essais.
Divers bruits, manoeuvres du levier de train, variations de régime des moteurs, ont été reconnus.
Les alarmes sonores et les signaux annonciateurs ont été identifiés.
La datation chronologique fournie par l'horloge interne du CVR est excellente. Elle a permis de caler différents éléments de conversation, de radio-communication et autres actions effectuées en cabine de pilotage.
La transcription du CVR est fournie en annexe.
La voie G de la télémesure:
Cet enregistrement est véritablement une sorte de CVR qui couvrirait tout le vol.
Après une écoute complète, la première partie de cet enregistrement peut être schématiquement présentée en cinq parties:
- la préparation et la mise en route de l'avion,
- le premier décollage et la panne simulée du moteur gauche au cours desquels le commandant de bord commente la réponse du pilote automatique à cette panne simulée,
- la manoeuvre (virages coordonnés) faite en altitude, au pilote automatique, ainsi que les commentaires du commandant de bord,
- les approches de catégorie III avec remise de gaz suivies de panne simulée, ainsi que les commentaires à chaud du commandant de bord,
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- l'atterrissage complet effectué en mode automatique et en mono-moteur simulé, avec activation d'une seule reverse, ainsi que les commentaires en temps réel du commandant de bord.
L'enregistrement de cette dernière partie recouvre l'enregistrement du CVR; il a été entièrement transcrit.
La seconde partie, celle couvrant l'accident, de 3 minutes 30 de durée, peut être scindée en cinq séquences:
- le rappel des intentions de l'équipage d'essai et le briefing particulier du copilote par le commandant de bord,
- le décollage, jusqu'à l'engagement du pilote automatique,
- l'engagement du pilote automatique, la simulation de panne moteur puis la montée en pilotage automatique jusqu'à ce que le commandant de bord réalise que l'essai ne se déroule pas normalement,
- la reprise en mains par le commandant de bord, la perte de contrôle et les actions de rattrapage,
- les deux secondes avant l'impact.
Dans les deux dernières séquences, les signaux sonores, alarme et messages GPWS, sont nombreux et se recouvrent parfois.
Exploitation:
- de l'écoute de la première partie de ces enregistrements, on retire l'impression d'une ambiance harmonieuse de travail méthodique du commandant de bord et de l'ingénieur d'essai, le copilote suivant les essais sans intervenir.
Aucune anomalie de fonctionnement de l'avion, des moteurs et des systèmes n'est signalée par l'équipage ou par l'équipe d'écoute au sol.
- de l'écoute de la deuxième partie, se dégage l'impression d'un équipage d'essais conscient de la manoeuvre spécifique qu'il va entreprendre en toute confiance.
On peut percevoir que le commandant de bord sort temporairement de la boucle de pilotage lorsqu'il exécute les actions propres à l'essai (engagement du pilote automatique, manette de gaz du moteur gauche sur ralenti, pompe hydraulique coupée). L'ingénieur d'essais signale l'engagement de l'avion dans une phase critique de façon relativement tardive (après que le commandant de bord ait repris les commandes).
1.11.4 - Restitution des paramètres enregistrés (SSFDR et télémesure):
La commission a essentiellement étudié la dernière phase du vol depuis le deuxième décollage. Toutefois, elle a également considéré l'évolution des paramètres lors du premier décollage et des deux remises de gaz effectuées au cours des premières phases du vol, ainsi que les affichages d'altitude présélectée réalisés par l'équipage.
Premier décollage : Il a été réalisé par le commandant de bord dans les conditions prévues par
l'ordre d'essais, sauf pour ce qui concerne la puissance maximale affichée sur les moteurs (TOGA) au lieu du réglage Flex 49.
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Les conditions étaient similaires à celles du deuxième décollage, avec toutefois les différences suivantes:
- avion plus lourd (+ 5 tonnes environ),
- centrage avant décollage : 40,2% (42% au deuxième décollage),
- altitude présélectée par l'équipage 7000 pieds (6969 sur le SSFDR) au lieu de 2000 (1982 sur le SSFDR) pour le deuxième décollage,
- "Bulle 203" sur OFF (Etat 3972 au deuxième décollage),
- réglage du trim proche de 0°(0,4° à cabrer au lieu de 2,2° à cabrer au deuxième décollage).
La mise de gaz est très progressive après le lacher des freins, la rotation est franche mais bien contrôlée, le pilote automatique est engagé 6,5 secondes après le décollage, la vitesse étant de 157 Kt et l'assiette longitudinale de 14,5°. Le pilote automatique est immédiatement activé en mode de tenue de vitesse (SRS). Le facteur de charge maximum atteint est 1,27 g.
Le moteur gauche est réduit 2 secondes après l'engagement du pilote automatique puis le circuit hydraulique bleu est coupé. Pendant la réduction effective de la poussée du moteur gauche, le pilote automatique maintient sensiblement constantes la vitesse et l'assiette longitudinale, puis il ramène progressivement l'assiette à 8° pour permettre le maintien de la vitesse à environ 160 Kt après une excursion à 150 Kt.
La vitesse verticale moyenne de montée pendant les 40 secondes qui suivent la simulation de panne du moteur gauche est de 1750 pieds par minute.
En latéral, les paramètres sont bien maintenus par le pilote automatique.
Affichage des altitudes présélectées par l'équipage (temps avion relevés sur le SSFDR, heures
TU):
- 7000 pieds (6969 sur le SSFDR) avant le premier décollage,
- 10 000 pieds (9974 sur le SSFDR) pendant la montée vers 10 000 pieds (14h57'10),
- 8 000 pieds (7992 sur le SSFDR) avant le début de descente à partir de 10 000 pieds (15h06'59),
- 5 000 pieds (4987 sur le SSFDR) après un palier à 8 000 pieds (15h10'53),
- 3 000 pieds (2941 sur le SSFDR) en cours de descente (15h1 1'52),
- 2 000 pieds (1982 sur le SSFDR) après un palier à 3 000 pieds (15h14'48).
Cette dernière valeur n'est pas modifiée par l'équipage pendant tout le reste du vol.
Remise de gaz en pilotage automatique avec simulation de panne moteur:
Première remise de gaz : la première remise de gaz est effectuée après une approche au pilote automatique en configuration "full" (pleins becs et volets) à 130 Kt. Le centrage est de 40,2%, la "Bulle 203" en état "OFF".
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Très près du sol, la pleine poussée sur le moteur droit est affichée et le moteur gauche est réduit simultanément (15h19'37 TU, temps avion), la vitesse est de 128 Kt, le mode de tenue de vitesse (SRS) est activé au même moment. La configuration de becs et volets est modifiée (passage à la configuration 3) 5 secondes après les mouvements des manettes des gaz.
Le pilote automatique maintient 130 Kt avec des excursions maximales de ± 5 Kt l'assiette longitudinale maximale obtenue est de 12,7° puis se stabilise à environ 11°. Le facteur de charge maximum atteint est 1,18 g.
La vitesse verticale moyenne en fin d'essai est de l'ordre de 1500 pieds par minute. Le mode d'acquisition d'altitude du pilote automatique est activé lorsque l'avion passe 1 750 pieds en montée (15h20'42).
Deuxième remise de gaz : même configuration initiale que la première, sauf centrage (40,5%) et "Bulle 203" état "3972".
La pleine poussée sur le moteur droit est affichée à 15h28'45 TU, la vitesse est de 128Kt. La configuration de becs et volets (configuration "full" vers configuration 3) est modifiée 4 secondes après, puis le moteur gauche est réduit (15h28'51), la vitesse étant de 142 Kt.
Dès l'affichage de la pleine poussée sur le moteur droit, le pilote automatique est activé en mode de tenue de vitesse (SRS). Après l'excursion signalée à 142 Kt, le pilote automatique fait rejoindre 130 ± 2 Kt à l'avion en pilotant l'assiette longitudinale dont la valeur maximale atteinte est de 15,5° (15h28'53). Le facteur de charge maximum atteint est de 1,19 g.
La vitesse verticale moyenne en fin de montée est voisine de 1 000 pieds par minute. Le mode d'acquisition d'altitude du pilote automatique est activé lorsque l'avion passe 1 800 pieds en montée.
Dernière phase du vol: avant le deuxième décollage, la masse est de 147 700 Kg et le centrage de 42%, le trim de profondeur est positionné à 2,2° à cabrer, les becs et volets sont en configuration 2, la "Bulle 203" est dans l'état "3972".
L'affichage de la poussée maximale pour le décollage est effectuée très progressivement. La position plein avant des manettes de gaz est obtenue à partir du temps avion 1 5h40'28, la vitesse étant de 47 Kt.
Pendant la course au décollage, le copilote qui a les commandes exerce une action à pousser sur le manche (environ 6° à piquer) jusqu'au moment où il initie la rotation; la vitesse est alors de 132 Kt. Le manche atteint la position 10° à cabrer et la rotation est franche trois secondes après, la vitesse est de 144 Kt en augmentation, l'assiette longitudinale est de 6° en augmentation (temps avion 15h40'46 : To).
A To + 2 secondes, le manche est ramené au neutre, la vitesse est de 147 Kt, l'assiette longitudinale est de 14° en augmentation. Le facteur de charge maximum atteint est de 1,4 g.
A To + 4 secondes, la vitesse passe par une valeur maximale de 155 Kt, l'assiette longitudinale est de l'ordre de 20° en augmentation. La commande de rentrée du train a été actionnée (la séquence de rentrée du train s'achève entre To + 16 et To + 20 secondes).
Sensiblement à To + 6 secondes, le pilote automatique est engagé, la vitesse est de 150Kt et l'assiette longitudinale est de 24, 6° en augmentation.
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Au moment où le pilote automatique est engagé le copilote exerçait depuis environ une seconde une faible action à piquer sur le manche (il maintient cette action environ 0,5 seconde après l'engagement du pilote automatique).
L'assiette longitudinale étant supérieure à 25º après l'engagement du pilote automatique, les informations concernant les modes d'activation du pilote automatique et du directeur de vol ne sont plus présentées au pilote et ne sont plus transcrites sur le SSFDR. En effet, ce dernier enregistre les données présentées à l'équipage sur les visualisations primaires de pilotage (PFD). Ces informations sont toutefois transmises par la télémesure et sont donc disponibles dans le cas présent.
Après engagement du pilote automatique, et avant son activation effective, l'assiette longitudinale passe par un premier maximum de 29° à To + 8 secondes (la vitesse est alors de 145 Kt).
Immédiatement après l'engagement du pilote automatique, le moteur gauche est réduit, son paramètre de conduite (EPR) decroît à partir de To + 7,5 secondes. Puis le circuit hydraulique bleu est coupé entre To + 10 secondes et To + 12 secondes (donnée SSFDR enregistrée toutes les deux secondes).
Le pilote automatique est activé à To + 8 secondes (2 secondes après son engagement) et passe presque immédiatement (à environ To + 8,4 secondes) en mode d'acquisition d'altitude. Au moment du passage dans ce mode, les paramètres de vol sont les suivants:
- assiette longitudinale 28º en diminution,
- vitesse 145 Kt,
- altitude pression 950 pieds (500 pieds par rapport au sol),
- vitesse de montée: environ 6 000 pieds par minute,
- incidence 6°,
- inclinaison proche de 0 (0,7º à droite),
- vitesses de lacet et de roulis nulles.
Après activation du pilote automatique en mode d'acquisition d'altitude, la vitesse décroit de façon sensiblement linéaire : 129 Kt à To + 12 secondes, 113 Kt à To + 16 secondes (taux moyen de diminution proche de 4 Kt par seconde). Dans le même temps, l'assiette longitudinale décroît jusqu'à 25° atteints à To + 12 secondes puis réaugmente de façon sensiblement linéaire : 28,5° à To + 15 secondes, 31,6° à To + 19 secondes. A ce dernier instant, la vitesse est de 100 Kt.
En latéral et après activation du pilote automatique, la gouverne de direction est amenée progressivement en butée à droite par le pilote automatique entre To + 10 secondes et To + 16,5 secondes, les ailerons à partir de To + 10 secondes et les spoilers n° 4, 5 et 6 à partir de To + 14 secondes contrent l'inclinaison à gauche qui apparaît à partir de To + 10,5 secondes et oscille autour de 7° entre To + 12 secondes et To + 19 secondes.
A To + 19 secondes, le commandant de bord déconnecte le pilote automatique. Les paramètres de vol sont :
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- vitesse 100 Kt en diminution,
- assiette longitudinale 31,6° en augmentation,
- incidence proche de 14° (légèrement inférieure) en augmentation,
- inclinaison 7,7º à gauche,
- vitesse de roulis faible à gauche,
- vitesse de lacet 2,5°/s vers la gauche,
- altitude pression 1 668 pieds (1 278 pieds par rapport au sol).
L'incidence de 14° est immédiatement atteinte activant le mode alpha prot des commandes de vol.
Le commandant de bord amène la commande profondeur en butée à piquer atteinte à To + 20 secondes, progressivement la commande de gauchissement en butée à droite atteinte à To + 25,5 secondes, maintient la direction en butée à droite et réduit le moteur droit entre To + 23 secondes et To + 25 secondes (position manette des gaz).
La remise de gaz automatique du moteur gauche (protection alpha floor) initiée à To + 24 secondes est de ce fait désactivée.
L'évolution des paramètres est très rapide (décrochage de l'aile gauche):
- à To + 25,5 secondes, la vitesse passe par un minimum (77 Kt), l'assiette longitudinale est de 15° en décroissance rapide, l'inclinaison est de l'ordre de 43° gauche, en augmentation rapide.
L'incidence passe par un maximum à To + 26 secondes (légèrement supérieure à 26°).
- à To + 27,5 secondes, la vitesse est de 85 Kt, l'assiette longitudinale proche de 00, l'inclinaison de 85° gauche et la vitesse de lacet atteint son maximum (14°/seconde à gauche).
- à To + 29,5 secondes, la vitesse est de 106 Kt, l'assiette longitudinale de - 28° à piquer et l'inclinaison de 110° à gauche.
- à To + 30,5 secondes, le commandant de bord amène la commande de profondeur qu'il avait gardée sensiblement au plein piqué au plein cabré, pratiquement simultanément les commandes de vol passent en loi directe.
L'assiette longitudinale passe par un minimum de 43° à piquer à To + 32 secondes, la vitesse est de 125 Kt, l'inclinaison est encore de 43° à gauche mais en diminution rapide. La vitesse verticale est de 7 500 pieds par minute vers le bas, l'altitude pression est de 1 088 pieds (638 pieds par rapport au sol).
Les dernières informations valides sont enregistrées à To + 36 secondes, la vitesse est de 156 Kt, l'inclinaison est de 18,3° à gauche, l'assiette est toujours négative (- 16º).
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1.12 - Epave:
L'épave est dispersée au sol sur un terrain situé en bordure ouest de l'aéroport de Toulouse-Blagnac. L'altitude du lieu de l'accident est de 499 pieds, ses coordonnées géographiques sont 43°38,10 Nord, 01°21,50 Est.
Le premier impact avec le sol a été effectué par la voilure gauche. Des pièces et des débris de l'avion jonchent le sol sur une longueur de 180 mètres environ. L'épave est divisée en quatre parties principales au-delà du point d'impact:
- dérive verticale, APU et fuselage arrière à proximité du point de l'impact avec le sol,
- aile gauche et jambe de train gauche au centre de l'épave,
- moteur gauche, fuselage avant comportant le poste de pilotage,
- aile droite et moteur droit.
1.13 - Renseignements médicaux et pathologiques:
1.13.1 - L'examen des dossiers médicaux des trois membres d'équipage ne fait apparaître aucun élément pathologique. Ils passaient leurs visites médicales périodiques d'aptitude dans les conditions réglementaires. ils étaient reconnus aptes.
Les résultats anatomo-pathologiques n'ont pas encore été communiqués à la commission.
1.13.2 - Emploi du temps des membres de l'équipage le 30 juin reconstitué suivant divers témoignages (heures locales):
- Nicholas Warner:
08h15 | Arrivée et rencontre avec des pilotes de la compagnie Northwest Airlines puis embarquement à bord de l'A321 n°364, |
09h12 | Départ comme commandant de bord à bord de l'A321 n°364 pour un vol de démonstration aux pilotes de Northwest Airlines (vol nº288), |
|
10h30 | Retour au parking de l'A321 n°364, |
10h45 à 12h00 | Simulateur A340 au "Training Center" pour un vol d'approbation, |
12h15 à 14h00 | Déjeuner avec les pilotes de Northwest Airlines, |
14h00 à 16h00 | Réunion avec des journalistes de la chaîne de télévision japonaise NHK |
16h45 | Départ du vol 129 de 1'A330 nº42. |
- Michel Cais:
Aurait passé la journée à son bureau situé au "Training Center" avant d'être appelé vers 15 heures pour être copilote sur le vol 129 de l'A330 n°42.
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Arrivée vers 16 heures aux bureaux de la direction des essais en vol d'Airbus Industrie.
16h45 Départ du vol 129.
- Jean-Pierre Petit:
08h00 | Arrivée, |
08h42 | Départ pour un vol d'essais d'atterrissages automatiques sur l'avion n°475 (vol n° 12), |
09h26 | Retour au parking de l'A320 n°475, |
10h00 à 12h00 | Réunion de certification, |
12h00 à 14h00 | Déjeuner probable à l'extérieur d'Airbus Industrie, |
14h00 à 16h30 | Réunion de certification en salle n°6 à Airbus Industrie, |
16h45 | Départ du vol 129 de 1'A330 n°42. |
1.14 - Incendie:
L'avion s'est écrasé à 17h41 locales. Les pompiers de l'Aérospatiale et de l'aéroport sont arrivés sur les lieux de l'accident en moins de 4 minutes, ceux de Colomiers et de Toulouse sont arrivés peu de temps après. L'avion a pris feu lors de l'impact avec le sol, dégageant une épaisse fumée et des flammes d'environ 20 mètres de hauteur. L'incendie a pu être circonscrit en moins de 7 minutes.
Aux environs de 18h24, les hélicoptères du SAMU, de la Gendarmerie et de l'Armée de l'air sont arrivés sur les lieux.
Cinq des corps des victimes ont été découverts dans les débris de l'appareil à 18h25 par les pompiers et les différents services de secours; les deux autres n'ont été retrouvés que vers 20h00. Les corps ont été transférés à l'institut médico-légal de l'hôpital Rangueil de Toulouse.
1.15 - Essais et recherches:
Les essais et recherches conduits par la commission d'enquête ont eu pour objet principal de vérifier si le déroulement du vol avait pu être affecté par une défaillance de l'avion, de ses moteurs ou de ses équipements. Les travaux ont porté sur l'exploitation des enregistrements et ont ete également conduits sur le simulateur de vol de l'A330 par les membres de la commission.
1.15.1 - Objet des simulations effectuées:
Confirmer certaines logiques de dégagement du pilote automatique et de sortie du mode de remise de gaz automatique (alpha floor) en relation avec l'accident.
Confirmer le scénario enregistré de l'accident. Apprécier la situation du pilote devant les informations de pilotage présentées au cours du scenario.
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Evaluer approximativement le point à partir duquel l'évolution effectuée au cours de l'accident n'est plus récupérable, selon les techniques de récupération envisageables.
Fournir des éléments contribuant à étudier si le scénario de l'accident peut ou ne peut pas correspondre à un cas susceptible d'être rencontré en utilisation opérationnelle.
1.15.2 - Programme des simulations:
A - confirmation des logiques de fonctionnement des sécurités
Tous les points sont effectués dans la configuration de l'avion lors de l'accident (volets, carburant, masse, centrage).
1 - Déconnexions du pilote automatique sur l'activation de la fonction alpha prot des commandes de vol.
2 - Déconnexions alpha floor sur réduction de la deuxième manette des gaz..
B - Simulations du scénario de l'accident
Tous les points sont effectués dans la configuration de l'avion lors de l'accident (moteurs, volets, carburant, masse, centrage).
1 - Dans des conditions identiques.
2 - Avec différents points de reprise en pilotage manuel (tous les 10 Kt par exemple).
3 - Idem 2 avec remise de gaz sur le moteur gauche.
4 - Idem 2 avec action simultanée sur les moteurs (réduction partielle à droite et augmentation à gauche).
C - Vérification du fonctionnement au cours de procédures normales.
Dans les conditions de l'accident, puis dans des conditions également jugées critiques, reproduire le scénario en respectant les assiettes opérationnelles, aux dispersions de pilotage près.
1.15.3 - Conclusions des simulations:
1 - Vérification des logiques associées aux protections alpha prot et alpha floor. Les caractéristiques particulières de ces logiques sont confirmées par la simulation.
2 - Autorité du pilote automatique en mode d'acquisition d'altitude (Alt*) le pilote automatique ne comporte pas de limite d'autorité en assiette dans ce mode. Par conséquent, aux vitesses relativement faibles, lorsqu'un changement important de poussée intervient après l'entrée dans ce mode, le pilote automatique peut commander des assiettes aberrantes puisqu'il cherche à décrire une trajectoire de capture de l'altitude qui est devenue impossible. Le dégagement du pilote automatique intervient après alpha prot. La loi normale des commandes de vol provoque alors une réduction d'assiette. Cependant au cours de cette phase très dynamique, la vitesse continue à décroître fortement. L'alarme "stall" et le décrochage lui-même peuvent être rencontrés alors que
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c'est en principe impossible lorsque l'avion est piloté manuellement par la loi normale des commandes de vol. Bien entendu, lorsque ce phénomène est provoqué en conditions de poussée dissymétrique, un fort effet latéral intervient de surcroît lorsque la vitesse passe franchement au dessous de VMCA.
3 - Scénario de l'accident: on arrive, non systématiquement, à le reproduire jusqu'aux abords de la vitesse correspondant à l'incidence maximale (alpha max). Bien souvent le pilote automatique se désengage peu de temps après qu'il a été connecté. Cependant la simulation des phenomenes latéraux à ces très faibles vitesses n'est pas correcte. On ne peut donc pas répondre précisément aux questions concernant l'efficacité des techniques de récupération envisageables et le point extrême de récupération possible. Il semble cependant que les reprises en mains intervenant avant le passage par VMCA, bien que la dynamique conduise à décélérer encore un peu mais sous faible incidence, permettent de garder le contrôle de l'avion.
4 - Il est noté par ailleurs que la position de trim affichée avant le décollage a une influence certaine sur les conditions d'évolution de l'assiette longitudinale après la rotation.
5 - Utilisation opérationnelle: certaines simulations de décollage effectuées pourraient représenter des cas se produisant en utilisation opérationnelle, c'est-à-dire avec une prise d'assiette initiale voisine de celle commandée par le directeur de vol. Les résultats obtenus n'ont pas conduit à une situation critique . Les ne permettent cependant pas de conclure que dans d'autres conditions des situations dangereuses, voire une perte de contrôle, ne pourraient être observées pour les raisons suivantes:
- on rencontre systématiquement des regressions de vitesse importantes, dont une jusqu'à la vitesse correspondant à l'activation de la sécurité alpha prot,
- toutes les conditions possibles n'ont pas été étudiées, en particulier l'exercice n'a été effectué qu'avec une seule altitude présélectée (2 000 pieds) pour un terrain à 500 pieds et rien n'indique que la différence d'altitude de 1500 pieds est le cas le plus critique,
1.15.4 - Des travaux complémentaires sont prévus par la commission dans les prochains mois. Ils concerneront notamment:
- la corrélation des données disponibles,
- l'identification plus précise du système Spatiaal,
- des essais et recherches complémentaires sur le mode d'acquisition d'altitude du pilote automatique, comportant également la recherche des résultats d'essais de même nature effectués antérieurement,
- des études sur le comportement des commandes de vol (mouvements des commandes et actions des gouvernes après la reprise en mains de l'avion par le commandant de bord),
- des travaux sur les aspects de conduite et d'exécution des essais en vol.
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II - ANALYSE PRELIMINAIRE:
2.1 - Considérations générales:
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Au stade actuel des travaux de la commission, il ne peut être envisagé de présenter une analyse complète de l'accident. Des travaux complémentaires de corrélation des données disponibles (incluant l'analyse de vols de même nature effectués précédemment) d'une part, d'investigations sur le fonctionnement de l'avion et de ses systèmes d'autre part, restent en effet à effectuer (cf 1.15.4.).
Toutefois, les travaux conduits ont permis de préciser l'enchainement des faits ayant conduit à une situation dangereuse, de reconstituer un scénario plausible de l'accident et donc de présenter une analyse préliminaire (objet de ce chapitre).
En première analyse, il apparaît qu'il n'y a pas eu de panne de l'avion, de ses moteurs ou de ses équipements de nature à avoir contribuer à l'accident. Cette conclusion est certaine pour ce qui concerne le fonctionnement des moteurs.
La commission a déterminé que les conditions météorologiques n'ont joué aucun rôle dans l'accident, non plus que l'infrastructure de l'aérodrome, les aides à la navigation ou les télécommunications.
Elle a donc été conduite jusqu'à présent à centrer son analyse sur les conditions dans lesquelles le vol a été préparé et réalisé par l'équipage de conduite en tenant compte de la définition technique de certains systèmes de l'avion.
2.2 - Préparation du vol:
2.2.1 - Contexte général technique:
La commission a examiné le contexte général technique dans lequel se situait l'exécution du vol de l'accident. Sur un plan général, elle considère qu'il est normal et nécessaire que soient effectuées en essais en vol des manoeuvres aux limites du domaine qui sera normalement utilisé en ligne et même au-delà de ces limites pour couvrir de possibles dispersions en utilisation en ligne. Elle considère également que la recherche de l'optimisation de l'avion et de ses systèmes fait partie du travail normal à effectuer au cours des essais en vol de développement.
Dans ce cadre général, elle considère que le document Airbus Industrie 460/94 Issue I du 27 juin 1994 qui fixait le programme général des vols à entreprendre pour préparer la certification du pilote automatique aux standards de catégorie III pour cette version de l'Airbus A330 équipée de moteurs Pratt et Whitney est approprié.
Elle observe toutefois que ce programme prévoyait la réalisation des décollages à la masse de 160 tonnes et au centrage de 38% avec simulation de panne d'un moteur après activation du pilote automatique. Pour mémoire, à cette masse, le centrage limite arrière autorisé au décollage en utilisation normale en ligne est de 36,5% et les centrages limites arrière autorisés en utilisation normale en ligne en approche et en vol de croisière sont respectivement de 41 et 42%.
Elle a noté par ailleurs que lors de ces essais, le document cité demande de contrôler les diminutions de vitesse et d'assiette longitudinale ainsi que la stabilité en tangage.
2.2.2 - Contexte général du type de vol:
Les activités d'essais en vol sont régies au sein d'Airbus Industrie par le document Operations Manual Flight Activities, chapitre 02.10.00, édition 3 d'avril 1994. Ce document précise les types de vols envisageables (vols d'essais, vols de réception, vols standards, vols
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d'entraînement) et définit en fonction du type de vol les compositions d'équipage autorisées ainsi que les conditions dans lesquelles la présence d'observateurs ou de passagers à bord peut être autorisée.
Le vol ayant conduit à l'accident était sans contestation possible un vol d'essais. Le document cité recense trois catégories de vols d'essais, ceux de:
- classe 1 : vols d'essais comportant un risque particulier, incluant les vols d'ouverture et d'extension de domaine de vol ainsi que les premiers vols avec configuration de systèmes nouveaux dans le cas où les caractéristiques de vol sont affectées de manière significative.
- classe 2: vols d'essais comportant un risque normal, à l'intérieur du domaine de vol déjà ouvert et au cours desquels le domaine de vol normal peut être dépassé de façon intentionnelle ou non.
- classe 3 : vols d'essais de routine effectués à l'intérieur du domaine de vol normal.
La commission constate que le cadre général dans lequel les compositions d'équipage étaient définies et la présence d'observateurs ou de passagers à bord était autorisée était donc défini.
Dans ce contexte, Airbus Industrie considérait que le vol ayant conduit à l'accident était un vol de classe 3.
A ce titre, l'équipage de conduite du vol était constitué
- d'un pilote d'essais, commandant de bord,
- d'un copilote, détenteur d'une licence de pilote de ligne,
- d'un ingénieur navigant d'essais
et la présence de passagers à bord pouvait être autorisée. L'analyse de ce point par la commission est présentée au paragraphe 2.2.4 ci-après.
2.2.3 - Préparation du vol de l'accident (aspects techniques):
L'ordre d'essais du vol, établi le 30juin 1994 en fixe les modalités d'exécution:
- composition de l'équipage,
- observateurs à bord,
- masse et centrage de l'avion à la mise en route,
- description de l'ensemble des manoeuvres à réaliser au titre des essais.
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Il ne semble pas qu'il y ait eu de réunion formelle de préparation du vol par l'équipage. il est certain toutefois que le commandant de bord et l'ingénieur navigant d'essais avaient une parfaite connaissance des essais à effectuer avant le vol. Il paraît clair également que la répartition des tâches à effectuer entre le commandant de bord et le copilote n'avait pas été discutée avant le vol.
La rédaction de l'ordre d'essais appelle quelques observations:
a) Il est noté que pendant les phases de vol succédant à la simulation d'une panne de moteur après décollage, il est demandé à l'équipage de vérifier:
- l'attitude longitudinale lors du premier décollage,
- la vitesse et l'attitude longitudinale lors du second.
b) la commission observe par ailleurs qu'une phase de vol complémentaire, non consignée dans l'ordre d'essais, est prévue par l'équipage pendant son installation à bord : à l'issue des essais prévus par l'ordre d'essais, phase de démonstration au profit des pilotes italiens au niveau 100.
c) l'ordre d'essais prévoit enfin un centrage à la mise en route de 40,2%, soit un centrage pour les décollages prévus nettement plus arrière que celui fixé par le programme général des essais.
Sur ce point, il ressort des investigations conduites par la commission, que les décollages étaient effectués volontairement dans des conditions de centrage très arrière, proches de la limite de centrage arrière autorisée en utilisation normale en vol. Selon Airbus Industrie, l'objectif était en effet de réaliser un essai permettant de couvrir le cas d'une remise de gaz après une approche de catégorie 3 interrompue volontairement par l'équipage en pilotage manuel, suivie après la prise de montée d'une réactivation du pilote automatique puis d'une panne de moteur. La commission a vérifié que ce type d'essai à centrage très arrière au décollage avait déjà été réalisé plusieurs fois tant au simulateur qu'en vol, en particulier lors des essais en vol de même nature effectués précédemment sur l'A330 équipé de moteurs General Electric.
La réalisation d'essais dans les conditions de masses et centrages effectives lors des deux décollages effectués, bien que très en dehors des limites de centrage arrière pour une utilisation en ligne, paraît acceptable à la commission dans la mesure où l'équipage est averti et conscient des caractéristiques de l'avion dans ces conditions.
2.2.4 - Préparation du vol (type de vol):
L'ordre d'essais définit la composition de l'équipage et prévoit la présence des quatre observateurs à bord, conformément aux stipulations en vigueur pour un vol d'essais de classe 3.
La commission estime qu'il était tout-à-fait légitime a priori de ne pas considérer le vol comme un vol de classe 1 : les essais prévus devaient se dérouler à l'intérieur du domaine déjà ouvert et les modifications étudiées ("Bulle 203" OFF ou 3972) n'étaient pas de nature à affecter de façon significative les caractéristiques de vol.
Les arguments pour le considérer a priori comme un vol de classe 2 ou de classe 3 sont les suivants:
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- pour un classement en classe 2 : le fait que le centrage au décollage dans les deux cas prévus par l'ordre d'essais dépassait très largement le centrage limite arrière autorisé en utilisation normale en ligne (impliquant dépassement intentionnel du domaine de vol normal, à l'intérieur du domaine déjà ouvert dans la mesure où par "domaine de vol normal" il faudrait entendre "domaine d'utilisation normale en ligne");
- pour un classement en classe 3 : le fait que le centrage au décollage dans les deux cas prévus était à l'intérieur du domaine déjà ouvert sans difficulté particulière et où on interpréterait "domaine de vol normal" pour les essais avec cette signification.
Sur le fond, la commission considère que, si le document définissant les types de vols et les catégories de vols d'essais a le mérite d'exister, il est insuffisamment précis pour ce qui concerne la notion de "domaine de vol normal" apparaissant dans la définition des vols de classe 2 et 3 (cf Recommandations). Elle estime que le vol concerné était à la limite entre les classes 2 et 3 compte tenu des centrages très arrière pratiqués au décollage. Elle observe qu'en tout état de cause, en cas d'incertitude, il est préférable a priori de surclasser la catégorie d'un vol d'essais.
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2.3 - Déroulement du vol:
Les points les plus significatifs concernant l'analyse du déroulement du vol relevés par la commission au stade actuel de ses travaux sont précisés ci-après pour les différentes phases.
2.3.1 - Installation à bord:
- le dialogue entre les membres d'équipage avant la mise en route des moteurs est serein. Il révèle un emploi du temps chargé pour les deux pilotes et l'ingénieur d'essais avant le vol le même jour et une occupation de chacun à des tâches de natures très diverses. Le vol concerné prenant place en fin d'après-midi du 30juin, il a pu en résulter une certaine fatigue de l'équipage.
- l'adjonction aux essais prévus dans l'ordre d'essais d'une phase de vol complémentaire destinée à effectuer une démonstration au profit des pilotes italiens observateurs de ce vol, paraît avoir été décidée au tout dernier moment. Ce fait n'a aucune relation avec l'accident, ne concerne que des manoeuvres de routine pour l'équipage mais dénote une certaine improvisation.
2.3.2 - Première phase de vol (jusqu'au premier atterrissage):
- le premier décollage effectué par le commandant de bord dans les conditions prévues n'a posé aucune difficulté. Ce constat est de nature à avoir donné confiance à l'équipage vis-à-vis du comportement de l'avion et à l'avoir conforté dans l'idée que le vol avait un caractère de routine (pour mémoire, dès ce décollage le centrage est très en arrière par rapport aux limites admises pour un décollage en ligne à cette masse).
- les affichages d'altitudes pré-sélectées par l'équipage en montée vers le niveau 100 (7000 puis 10000 pieds), puis en descente du niveau 100 (8000, 5000, 3000 puis 2000 pieds) n'appellent pas d'observation particulière. Le maintien de l'affichage de 2000 pieds pour la suite du vol n'a pas été commenté aucun échange vocal entre les membres d'équipage n'en fait état. La commission ne peut déterminer s'il était volontaire et conscient ou non. il se peut qu'il l'ait été (échanges de signes entre le commandant de bord et le copilote). On peut noter que l'ingénieur navigant d'essais, qui n'est pas dans le poste de pilotage, n'en fait pas état.
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- les remises de gaz effectuées en pilotage automatique avec simulation de panne de moteur n'ont, elles non plus, posé aucun problème particulier. Les conditions diffèrent de celles des décollages (initial et prochain): c'est le pilote automatique qui effectue la prise d'assiette et la configuration de becs et volets affichée après remise de gaz est la configuration 3 (configuration 2 pour les décollages). fl convient de noter trois points:
- les assiettes maximales observées lors de ces remises de gaz sont voisines de celle obtenue lors du premier décollage (12,7º et 15,5° respectivement, pour 14,5° au premier décollage),
- l'altitude de 2000 pieds est restée présélectée dans les deux cas et ce fait n'a pas créé de difficulté particulière,
- enfin les deux remises de gaz ont été effectuées chacune avec un état différent de la "Bulle 203" et l'équipage n'a noté aucune différence significative entre ces deux états (s'il y a une différence, elle est "subtile" dit le commandant de bord).
La réalisation des essais de remise de gaz a donc certainement conforté la confiance de l'équipage dans le comportement de l'avion et l'avait convaincu qu'il n'y avait pas de différence sensible entre les deux états de réglages du pilote automatique essayés.
2.3.3 - Préparation du deuxième décollage:
- le sentiment de confiance acquis au cours de la première partie du vol et le fait que le commandant de bord n'ait pas identifié de différence entre les deux états de la "Bulle 203" peuvent expliquer qu'il ait décidé tardivement (après le rappel par l'ingénieur navigant d'essais des conditions de l'essai), de confier la réalisation du deuxième décollage au copilote qui n'avait jusqu'alors pas touché aux commandes.
- la position du trim de profondeur qui était à - 4° (4° à cabrer) à l'issue de l'atterrissage précédent a été modifiée pour être amenée à - 2,2° avant le décollage. Cette action n'a pas été commentée par l'équipage. On peut noter qu'elle est effectuée avant que le commandant de bord ne décide de
confier la réalisation du décollage au copilote.
Il convient également de souligner que:
- le trim ainsi affiché est dans la plage normale pour le décollage, mais ne correspond pas au réglage préconisé pour les centrages limites arrières (0°),
- pour le centrage très arrière pratiqué lors du deuxième décollage, l'influence de la position du trim sur la rapidité et l'ampleur de la prise d'assiette longitudinale est sensible car elle conduit à une rotation spontanée et prématurée que le pilote peut néanmoins contrer (étude conduite au simulateur par différents pilotes dans la configuration du deuxième décollage avec position du trim de profondeur à 0º et à - 2,2º),
- la décision a été prise d'effectuer le décollage avec affichage de la puissance maximale (TOGA) au lieu de la puissance Flex 49, contrairement à ce qui était prévu à l'ordre d'essais. Ce choix a contribué à obtenir une rotation franche, une vitesse verticale initiale élevée et un effet de dissymétrie accentué après la simulation de la panne de moteur,
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- l'équipage était conscient que le décollage était effectué à un centrage très arrière et, à ce titre, le commandant de bord rappelle au copilote la nécessité de ne mettre les gaz que progressivement au départ, consigne destinée à tempérer l'effet du couple cabreur dû aux moteurs et bien appliquée par le copilote.
2.3.4 - Dernière phase du vol:
- durant la course au décollage, le copilote maintient le manche à piquer jusqu'à la rotation ce qui n'est pas conforme à la procédure. Cette action lui a masqué l'effet du réglage incorrect du trim.
- lors du deuxième décollage, la rotation a été très franche et la prise d'assiette très rapide. On observe toutefois une timide action à pousser sur le manche au moment où le commandant de bord engage le pilote automatique. Cette action contribue à retarder l'activation effective du pilote automatique qui a lieu deux secondes après l'engagement.
- juste avant que le pilote automatique ne soit engagé, la vitesse passe par un maximum de 155 Kt et commence à décroître lentement, les deux moteurs étant encore à la puissance maximale.
- à partir du moment où le pilote automatique a été engagé dans les conditions de vitesse prévues (supérieure à 150 Kt) et que l'essai a débuté, le copilote a pu considérer qu'il était dégagé de son rôle de pilotage.
- au moment où le commandant de bord engage le pilote automatique, l'assiette longitudinale approche 250. Au-delà de cette valeur de l'assiette, les informations présentées sur les visualisations primaires du poste de pilotage (PFD) sont simplifiées; seuls subsistent l'attitude (assiette longitudinale et inclinaison), la vitesse, la tendance d'évolution de la vitesse, le cap, l'altitude, la vitesse verticale et le mode de poussée des moteurs (THR). Les modes d'activation du pilote automatique et les informations du directeur de vol en particulier ne sont plus présentés. Or, au moment où le pilote automatique est activé, les conditions d'entrée dans le mode d'acquisition d'altitude sont réunies (altitude pré-sélectée 2000 pieds, vitesse verticale importante) et l'équipage n'a pas la possibilité de contrôler le mode dans lequel le pilote automatique est active.
- pendant la phase succédant au décollage, le commandant de bord concentre son attention sur l'engagement du pilote automatique, puis sur la réduction du moteur, enfin sur la coupure du circuit hydraulique correspondant (circuit bleu). Cette dernière manoeuvre nécessite une action sur le panneau supérieur en arrière du pilote. Il l'effectue et la confirme ("pump fault"). La vitesse en diminution est de l'ordre de 135 Kt lorsqu'il a terminé ces actions. C'est vraisemblablement à ce moment seulement qu'il tourne son attention sur l'évolution de l'avion (jusque-là il n'était pas dans la boucle de pilotage).
- en mode d'acquisition d'altitude et dans ces conditions, le pilote automatique commande une variation progressive du facteur de charge pour rejoindre l'altitude pré-sélectée sans qu'il existe de limitation en assiette.
- il s'écoule 5 secondes entre le moment où le commandant de bord a confirmé la coupure du circuit hydraulique et le moment où il réalise qu'il se passe quelque chose d'anormal ("what has gone?"). La vitesse de l'avion est alors voisine de VLS (Velocity Lower Selectable : 120 Kt) et l'assiette de l'ordre de 28°.
- il s'écoule encore 3 secondes avant que le commandant de bord décide de reprendre les commandes. Lorsqu'il déconnecte le pilote automatique, la vitesse est de 100 Kt et l'assiette de 32° mais l'incidence est encore légèrement inférieure à 140 et la protection en incidence (alpha prot) qui
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aurait désengagé le pilote automatique ne s'active que juste après sa déconnexion par le commandant de bord. A cet instant, l'alarme "Low speed" est activée mais la perte de contrôle est très certainement inévitable en poussée dissymétrique.
- la commission ne trouve pas de raison technique pouvant expliquer ce dernier délai de 3 secondes. L'imprécision de la répartition des tâches au sein de l'équipage a pu contribuer à ce retard de reaction du commandant de bord..
- à partir du moment où le commandant de bord reprend les commandes, il agit très rapidement manche en butée à piquer, maintien de la direction en butée droite, gauchissement progressivement amené en butée à droite pour contrer le roulis à gauche encore modéré constaté, puis réduction du moteur droit pour resymétriser l'avion alors que l'inclinaison atteint 17 à 18° à gauche.
- cette dernière manoeuvre a pour effet de stopper la remise de gaz automatique (alpha floor) sur le moteur gauche qui s'était activé lorsque l'incidence atteignait 21°.
- malgré l'ensemble de ces actions, l'aile gauche décroche et l'assiette longitudinale décroît rapidement, l'incidence maximale atteinte est légèrement supérieure à 26°.
- pendant l'abattée de l'avion, la vitesse qui avait atteint un minimum de 77 Kt, réaugmente et les commandes de vol passent en loi directe.
- la vitesse passant par 112 Kt, l'assiette longitudinale par - 35° et l'inclinaison atteignant la valeur maximale de 112° gauche, le commandant de bord qui avait maintenu le manche à plein piqué l'amène au plein cabrer pour tenter une ressource.
- bien que l'avion soit pratiquement contrôlé, l'équipage ne peut éviter l'impact avec le sol.
Il n'y a pas eu d'action aux commandes du copilote après l'activation du pilote automatique, à l'exception d'un mouvement réflexe à cabrer dans les toutes dernières secondes avant l'impact avec le sol.
Il est noté par ailleurs que l'ingénieur navigant d'essais attire l'attention des pilotes sur l'évolution de la vitesse mais très tardivement (3 puis 5 secondes environ après que le commandant de bord ait déconnecté le pilote automatique) et que l'alarme de l'avertisseur de proximité du sol (GPWS) a fonctionné pendant les dernières secondes du vol.
Il n'est pas possible à la commission de conclure sur la possibilité d'éviter le décrochage par d'autres manoeuvres que celles effectuées par le commandant de bord à partir du moment où il a repris les commandes. Les manoeuvres réflexes (position des commandes) ou réfléchies (réduction du moteur droit) étaient en première analyse bien appropriées mais initiées trop tardivement, en particulier la réduction du moteur droit.
Il est par contre possible de conclure que si une reprise en pilotage manuel avait été effectuée 3 à 4 secondes plus tôt et conduite rapidement, l'accident aurait pu être évité (reprise en mains à vitesse supérieure à VMCA soit 118 Kt).
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III - CONCLUSIONS PROVISOIRES:
Pour les raisons exposées au paragraphe 2.1 ci-dessus, la commission ne peut présenter, au stade actuel de ses travaux, de conclusions définitives sur les circonstances de l'accident. Elle peut par contre présenter certaines conclusions provisoires.
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3.1 - Faits établis par l'enquête:
L'avion Airbus A330 n°42 était en état de vol.
Le vol concerné était un vol d'essais ayant pour objet de préparer la certification de l'avion aux standards de catégorie III pour cette version de l'A330 équipée de moteurs Pratt et Whitney.
La masse et le centrage étaient bien connus de l'équipage avion léger, centrage très arrière, au-delà des limites normalement autorisées pour un décollage en ligne à cette masse, mais déjà pratiquées en essais en vol.
La commission n'a pas mis en évidence de panne de l'avion, de ses moteurs et de ses équipements.
L'équipage désigné pour le vol et la présence d'observateurs à bord étaient conformes au document Airbus Industrie stipulant la composition des équipages et autorisant la présence de passagers à bord en fonction du type de vol à réaliser dans la mesure où ce vol d'essais était considéré comme un vol de classe 3. En particulier, le commandant de bord, chef pilote d'essais d'Airbus Industrie et l'ingénieur navigant d'essais étaient particulièrement qualifiés pour ce vol.
Il n'a pas été mis en évidence, en ce qui concerne l'équipage, d'antécédent médical ayant pu jouer un rôle dans l'accident. Ses membres avaient eu toutefois un emploi du temps dense le 30 juin avant le vol.
Les conditions météorologiques, l'infrastructure au sol, les aides à la navigation et les moyens de télécommunications n'ont joué aucun rôle dans l'accident.
Les paramètres de vol et l'enregistrement des conversations de l'équipage ont pu être restitués avec un très bon degré de certitude compte tenu du nombre et de la qualité des moyens d'enregistrement.
3.2 - Causes probables:
Au stade actuel de ses travaux, la commission estime que l'accident peut être expliqué par la concomitance de plusieurs causes dont aucune, prise séparément, ne devait conduire à un accident:
- les causes initiales sont a priori liées au type d'essai et à ses modalités d'exécution par l'équipage lors du dernier décollage:
- choix de la puissance maximale TOGA au lieu de Flex 49,
- centrage très arrière au dernier décollage,
- trim affiché dans la plage de décollage mais trop à cabrer,
- présence de l'altitude sélectée de 2000 pieds,
- définition imprécise et tardive des tâches respectives du pilote et du copilote pour le dernier décollage et le point d'essai à effectuer,
- rotation franche et très rapide effectuée par le copilote,
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- commandant de bord occupé par les manoeuvres d'essais à effectuer immédiatement après le décollage (engagement du pilote automatique, réduction du moteur et coupure du circuit hydraulique bleu) le mettant temporairement hors de la boucle de pilotage.
- de plus, l'absence de protection en assiette dans le mode d'acquisition d'altitude du pilote automatique a joué un rôle déterminant.
- ont également contribué à l'accident:
- l'impossibilité pour l'équipage d'identifier le mode dans lequel le pilote automatique s'est placé.
- la confiance de l'équipage dans les réactions prévisionnelles de l'avion.
- le retard de la réaction de l'ingénieur navigant d'essais devant une évolution préoccupante des paramètres (vitesse en particulier).
- le délai mis par le commandant de bord à réagir devant une situation anormale.
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IV - PREMIERES RECOMMANDATIONS:
Compte tenu de l'analyse préliminaire effectuée et des conclusions provisoires précédentes, la commission, sans préjuger d'autres recommandations qu'elle pourra être amenée à formuler ultérieurement, est conduite à émettre les premières recommandations suivantes:
4.1 - Concernant le mode d'acquisition d'altitude du pilote automatique de l'Airbus A330:
- sensibiliser les utilisateurs des compagnies aériennes utilisant l'Airbus A330 sur la nécessité de surveiller les évolutions de la vitesse chaque fois que ce mode est actif et en particulier en vol de montée, en cas de panne de moteur (les consignes proposées à ce titre par le télex d'information des opérateurs de référence AI 999065/94 du 5 juillet1994 sont à appliquer),
- conduire les travaux permettant de vérifier si l'emploi de ce mode en utilisation en ligne comporte ou non un risque particulier,
- en tout état de cause, étudier en parallèle des solutions permettant d'améliorer les protections dans ce mode pour les rendre homogènes avec les protections implantées dans les autres modes..
4.2 - Concernant le mode d'acquisition d'altitude du pilote automatique sur tous types d'avions:
- étendre les réflexions et les études conduites pour l'Airbus A330 au titre de la recommandation précédente à tout autre type d'appareil disposant de modes de pilotage automatique similaires.
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4.3 - Concernant la composition des équipages et la présence de passagers observateurs lors de vols d'essais
- préciser les notions permettant de déterminer les catégories de vols d'essais, les compositions d'équipages et la présence de passagers ou d'observateurs en liaison entre le constructeur et son autorité de tutelle pour les essais en vol,
- étendre la réflexion aux autres sociétés constructeurs d'avions et de moteurs disposant de directions d'essais en vol.
4.4 - Concernant la préparation des vols d'essais:
Effectuer systématiquement une réunion de préparation des vols d'essais même en cas d'essais réputés de routine. En particulier, au cours de cette réunion, traiter de la répartition des tâches au sein de l'équipage d'essais en conformité avec les dispositions approuvées par l'autorité de tutelle.
ANNEXE 1 - TRANSCRIPTION DU C.V.R.
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ANNEXE 2
EVOLUTION DES PARAMETRES ENREGISTRES SUR SSFDR
POUR LA DERNIERE PHASE DU VOL:
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